mardi, février 26, 2013

LA POP ET SON SEGMENT CONTRADICTOIRE

Je ne sais plus qui à dit "plus c'est local et plus c'est universel" mais il se trouve qu'il y'a là l'une des premières contradictions de la musique Pop. Le fantasme musical d'une mélodie qui, ajoutée à une rythmique entrainante, pourrait idéalement s'adresser à peu près à tout le monde, en discutant à l'oreille d'un public invisible des confessions que partage tout le monde, avec une technicité qui masquerait les voisins également concernés par ce message musical. Tout un art. Mais un art ambigu. Comment rester proche et loin à la fois? Comment être convivial et subversif? Comment être populaire et initié à la fois? Comment être expérimental et accessible à la fois? Je pense que la musique Pop flirte avec trop de contradictions pour pouvoir un jour atteindre une cible saine. Cette musique, que j'affectionne et que je tente d'apprendre et jouer depuis plus de vingt ans, et aussi un domaine des plus malsains que j'ai pu rencontrer, en comparaison avec d'autres domaines musicaux tels le jazz, le blues, la variété, la chanson qui ont, malgré leurs réseaux et milieux également anxiogènes des prétentions plus claires, des ambitions moins opaques, et donc des quêtes plus franches. Il se peut par exemple qu'un jour un jazzman, un bluesman atteigne un but musical, possible qu'un chansonnier prenne sa retraite après des confessions en chansons qu'il pourra juger achevées, possible aussi en variété d'inscrire sa chanson dans un classement archi populaire. Mais la musique Pop avec ses variations ( rock pop, indie etc ) a tellement de fantasmes que la frustration est de toutes façons au bout du chemin. 
Il y'a par exemple aujourd'hui la tyrannie du "tube". Je voyais dans le métro aujourd'hui une pub qui ventait le streaming ( que j'adore ) avec une phrase du genre "emportez vos tubes avec vous". Pourtant hier soir, j'ai entendu au Pop In, bar du 11e que je fréquente, une chanson formidable d'Alain Chamfort. En rentrant il m'était impossible de la retrouver alors qu'on m'avait donné le nom de l'album où elle se trouvait. Une journée passe et je viens de la retrouver. Certes je l'ai entendue hier, mais suis passé à coté. Car la musique dépend énormément de l'instant où l'auditeur l'écoute. Dans le bar, je suis surpris. Puis chez moi, dans la traque de la chanson je passe à coté même en l'écoutant. Puis je retombe dessus aujourd'hui par hasard, et la reconnais. La musique n'est pas un objet que l'on peut toucher. Elle dépend de notre attention et de notre disponibilité. Il n'y a pas vraiment d'explication à ce qu'une chanson devienne une référence ou non pour nous. Mais nous devons, je pense, recommencer à considérer l'aspect volatile de la musique. La fixer à tout prix à l'image pour pouvoir en faire un médium servant à vendre d'autres produits est une erreur. La musique doit à nouveau se suffir à elle même. Avec mon projet de singles club pour 2013 avec un single digital par lundi ( en attendant la version physique ) et donc 52 singles, je tente de me moquer un peu du format single tout en le respectant. Il y'aura des chansons plus immédiates que d'autres, je l'ai dit, mais je veux aussi dévérouiller à ma modeste mesure le médium clip également. Prouver que frimer n'est pas la seule façon de proposer de faire écouter sa chanson. Certes mes clips sont désuets, mais je n'ai pas d'autres choix. Car pour moi la musique Pop manque souvent d'humour et de contre emploi. Mes chansons ont souvent une couleur épique ou mélancolique et si j'allais dans le même sens en vidéo, je devrais jouer le chanteur pop dans mes clips et c'est quelque chose que je trouve absolument ridicule. J'en reviens au constat du départ: la musique pop rencontre bien des contradictions. Dans mon cas, c'est très simple. Je suis extrêmement timide. Mais lorsque je joue de la musique, je me plonge complètement dans un rôle de composition. Je me sens Madonna autant que Neil Young, ou bien d'autres. J'ai souvent considéré la question "quelles sont vos influences"comme une question trop légère. La vraie question serait "quel est votre héritage?", ou bien "quel jeu de rôle vous permet il de vous inventer un alter ego musical?". Car dans mon cas, le passage de Kim Giani à KIM ( mon nom de scène en majuscule, seule distinction de mon identité de vie et mon identité de scène ) me plonge tout de même dans un projet à long terme, même si l'un est au diapason de l'autre dans mon cas, par souci de franchise et refus du mensonge Pop (celui de la personne qui frime). Je tente de tisser un lien dangereux entre un projet universel chantant et un projet expérimental sur bien des points et réservés à des initiés. Et ce constat n'a rien de snob, d'ailleurs vous, initiés à mes chansons, vous qui lisez ce blog, vous êtes bien contents quand vous sentez que je m'adresse à vous bien plus qu'à des auditeurs potentiels et qui sont en périphérie assez éloignée de mon projet musical. Je vous ai vus parfois à certains concerts corriger des gens qui ne connaissaient que peu mes chansons. Vous suivez ma musique comme un feuilleton, et j'en suis ravi. Vous êtes donc initiés, et je ne pense pas que ce soit anxiogène pour autant. Oui, je fantasme que mes chansons puissent être entrainantes au point de les écouter avec le plaisir de l'immédiateté mais aussi qu'elles contiennent des choses étranges qui d'une part repoussent les non curieux et d'autres part intriguent les plus aventureux. Car ces derniers me feront progresser. Ils sont les plus attentifs, ils sont (je suis désolé pour les autres) un révélateur de ma progression à laquelle je tiens bien plus qu'à ma diffusion massive à tout prix. Je suis trop timide pour supporter pour le moment une diffusion trop intense, oui, même après 21 albums. A une époque où chaque musicien attend la validation par l'intensité de sa visibilité, je me pose juste une question: est ce meilleur révélateur du progrès? Je ne suis pas sûr. Je n'aurais rien contre vendre beaucoup plus de disques. Mais si cela doit déséquilibrer mon système et mon économie qui est stable et que j'ai mis plusieurs années à installer, ça ne me dit rien. Comprenez: je peux désormais affirmer que sortir des disques avec une fréquence saine m'est possible. Est ce fréquent en ces temps de crise? Non. Alors j'y tiens. J'ai parfois donné plus d'éclairage à certains de mes disques quand c'était possible. Mais les règles de promotion et marketing sont peu souples, et un ou deux albums par an est une garantie de se faire bouder par les médias. Ce dernier point est en plus assez délicat pour un timide comme moi. Alors en attendant, je préfère continuer à étudier cette musique étrange qu'est la Pop, et tenter de trouver quelle est la mienne. Un jour je serai à l'aise sur ce segment contradictoire, mais la route est encore longue. C'est ainsi. J'en suis conscient. Ca ne me dérange pas. J'avais pris des munitions il y'a vingt ans. Je savais que la Pop pour un timide est un choix lourd de conséquences. Minute, j'arrive tranquillement. 
Ciao.

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